Une négociation au niveau du Groupe, pourquoi ?
Depuis quelques années déjà le Groupe Thales s’inscrit à contre-courant sur de nombreux sujets, affichant ainsi une vision archaïque, voire rétrograde sur le monde du travail d’aujourd’hui.
Ainsi, nous pouvons citer par exemple les freins mis aux représentants du personnel, aux organisations syndicales pour informer les salariés (refus d’utilisation des moyens de communication électroniques comme le mail, pressions mises sur les heures d’informations syndicales pourtant prévues par nos accords, …).
Dans la continuité d’une vision à contresens de l’histoire et de sa responsabilité sociale et environnementale, la direction de Thales relance dès maintenant une négociation sur le temps de travail dans le Groupe avec comme unique objectif : l’augmentation du temps de travail…. Elle en fait même quasiment son unique sujet de négociation d’ici la fin d’année 2021, poussant pour négocier un sujet si vaste, si fondamental, en seulement trois mois.
L’objectif du Groupe est d’augmenter sensiblement le forfait jours des ingénieurs et cadres (75% des effectifs), pour tous les nouveaux embauchés. La recherche de rentabilité (objectif d’EBIT à plus de 12%) est la seule motivation du Groupe et peu importe si cela générera des oppositions entre salariés, des difficultés à manager des équipes « projet » dans ces conditions. De plus, cela mettrait une pression importante pour augmenter in fine le temps de travail de tous les salariés, mensuels inclus…Vous le voyez, nous sommes tous concernés.
Réduction du temps de travail, utopie ou nécessité ?
La réduction du temps de travail déjà une réalité :
L’histoire en témoigne, la baisse du temps de travail est inéluctable (1906 : repos dominical, 1919 : instauration de la journée de 8H, 1982 : semaine de 39H, 2000 : passage aux 35H).
En Islande, la réduction du temps de travail sans perte de salaire, a été un vrai succès. En Espagne, le gouvernement de gauche a lancé l’expérimentation de la semaine de 32 heures avec maintien des salaires dans 200 entreprises. Le gouvernement japonais s’est aussi laissé séduire après une expérimentation réalisée par Microsoft Japon. Et d’autres pays vont aussi dans ce sens.
En France, la semaine de 32H est déjà une réalité pour plusieurs entreprises (Bosch Vénissieux, Welcome to the jungle, LDLC, …), avec à la clé des créations d’emploi et une amélioration de la qualité de vie au travail.
Impact sur l’emploi :
De plus, la réduction du temps de travail est aussi bénéfique pour l’emploi. Selon les études de l’INSEE, sur la période 1998-2002, la réforme des 35H a permis de créer 350 000 emplois directs, et sans déséquilibre financier des entreprises.
Le nombre annuel d’heures supplémentaires en France est évalué à plus de 800 millions, soit plus de 500 000 emplois à temps plein. Passer aux 32H, en l’encadrant pour éviter une intensification du travail, permettrait de créer des centaines de milliers d’emplois.
Impact sur l’environnement :
La réduction du temps de travail, en particulier organisé sur 4 jours, ferait automatiquement baisser les déplacements et donc l’empreinte carbone, mais permettrait aussi de dégager du temps pour des activités sociales, culturelles, personnelles, moins impactantes pour notre planète.
Une étude scientifique (J. Nässén, J. Larsson, Government and Policy, 2015) conclut qu’une baisse de 1 % du temps de travail entraînerait une réduction de la consommation d’énergie et d’émission de gaz à effet de serre de 0,8 % en moyenne. Cf. https://cutt.ly/eREnIXJ
Impact sur nos conditions de travail :
Vous avez peut-être déjà entendu le slogan de la CGT « travailler moins, pour travailler tous et travailler mieux ». Oui, en effet, réduire le temps de travail, avec l’accompagnement d’une véritable politique d’emploi, et surtout d’une organisation du travail réellement pensée avec les salariés et leurs représentants, permet de libérer du temps personnel, de limiter la fatigue et donc in fine de mieux travailler le reste du temps, d’améliorer réellement la qualité de vie au travail. C’est d’ailleurs le retour d’expérience vécu par les salariés de LDLC, qui sont passés aux 32H sans perte de salaire en décembre 2020. Cf. https://cutt.ly/5REQDJC
Pourquoi ne pas utiliser les gains de productivité ?
Depuis des décennies, l’informatique et les moyens de communication dans toutes les activités du Groupe ont largement renforcé la productivité. La numérisation en cours des activités, de ses processus, l’automatisation, l’introduction de l’intelligence artificielle vont démultiplier celle-ci. Les métiers se transforment, évoluent, disparaissent, d’autres seront créés, mais la charge de travail et des effectifs associés ont une tendance structurelle à se contracter.
Se pose alors la question de l’utilisation et de la redistribution de ces gains de productivité. Doivent-ils servir les dividendes et les actionnaires ou bien être redistribués sous forme de réduction du temps de travail ? Ce sont là deux visions de l’utilisation de la productivité dégagée.
Nous proposons d’utiliser une partie de ces gains de productivité pour financer la réduction du temps de travail au sein du Groupe Thales. Passer de 35 à 32H implique une réduction du temps de travail de 9,4%, qui devrait être compensée par des embauches au moins à ce niveau. Sur les 40 000 salariés du Groupe en France, ces embauches impliqueraient une augmentation de la masse salariale d’environ 300 millions d’€ sur un chiffre d’affaires de 18Md€ (bilan financier 2019). Est-ce réellement irréaliste ? N-est-ce pas finançable par Thales ? Ne pourrions-nous pas financer ce passage au 32H par exemple sur 3 ans ?