Face à une politique de financiarisation à outrance de notre groupe Thales, qui se traduit par une politique salariale 2025 au rabais et un coût du capital qui explose, la CGT et la CFDT ont écris à nouveau au ministre des armées pour interpeller le gouvernement, alors que l’Etat est le premier actionnaire de Thales.
Lettre ouverte
Monsieur le Ministre,
Comme vous le savez, cela fait bientôt 15 semaines que les salariés de Thales, groupe de défense, sont en conflit ouvert avec la direction du Groupe au sujet de la politique salariale proposée par la direction.
Le 10 mars dernier, nous vous avions adressé un courrier, et vos déclarations en commission de la défense à l’Assemblée Nationale du 9 avril, ont brièvement nourri notre espoir : celui que la direction de Thales avait enfin pris conscience de la nécessité d’une répartition plus juste de la valeur créée au sein du Groupe.
Nous partageons pleinement votre volonté qu’il est essentiel « d’avoir une grande lisibilité désormais sur la répartition de la valeur dans les industries de défense au sein des grands groupes », à commencer par Thales.
Mais force est de constater que cet espoir était prématuré.
La direction est revenue vers les organisations syndicales avec une décision unilatérale : le versement d’une Prime de Partage de la Valeur (PPV) de 500 € brut annuel qui ne satisfait personne. Cette proposition ne répond ni aux attentes ni aux enjeux.
Elle est inacceptable pour plusieurs raisons :
- Parce qu’elle ne constitue pas une augmentation de salaire pérenne. Elle ne contribue pas pleinement ni au financement des caisses de l’état ni aux régimes sociaux.
Dans un contexte où le gouvernement cherche 40 milliards d’euros, il est regrettable qu’un groupe comme Thales – qui en a largement les moyens – choisisse de ne pas participer à l’effort collectif.
- Parce qu’elle est déconnectée des résultats du Groupe. Le dividende par action Thales a augmenté de 8,8 % entre 2024 et 2025, et la PPV peut aller jusqu’à 3 000 €, voire 6 000 € sous conditions. Proposer seulement 500 € témoigne d’un mépris du travail fourni par les salariés.
C’est une véritable politique salariale au rabais qui est mise en place. Elle n’aura pour effet que de favoriser la perte de compétences, en incitant les salariés à trouver un employeur plus reconnaissant. Elle ne facilitera ni le recrutement ni la conservation et l’acquisition de nouvelles compétences, ce qui fait pourtant défaut au regard de nombreux programmes.
La fixation d’objectifs financiers toujours plus élevés entraînera une hausse de la sous-traitance, un ralentissement, voire un arrêt de l’investissement en R&D – déjà recentré sur un plus petit nombre de projets jugés plus « rentables » à court terme- et dans l’outil industriel alors qu’il faudrait au contraire accélérer.
La perte de sens ressentie par les salariés est profonde. Ce n’est pas d’une prime ponctuelle dont ils ont besoin, mais d’une reconnaissance durable de leur engagement, de leurs qualifications et de leur rôle dans la réussite du Groupe.
Face à la surdité de notre direction, la CFDT et la CGT du Groupe Thales se résolvent à vous interpeller à nouveau sur la politique menée tant en matière salariale qu’industrielle.
Le Groupe Thales est un acteur central de l’indépendance stratégique de la France. L’Etat, en tant que premier actionnaire et client principal, a la légitimité – et la responsabilité – d’intervenir.
M. le Ministre, pensez-vous que la mesure annoncée soit de nature, comme vous l’avez souhaité, à garantir « une politique de ressources humaines, une maitrise des savoirs faire techniques et métiers » ?
M. le Ministre, est-ce cela que vous appeliez de vos vœux lorsque vous souhaitiez que « les rachats d’actions d’un côté et le dialogue social de l’autre convergent » ?
M. Le Ministre, trouvez-vous, comme vous l’avez affirmé en commission de la défense « qu’il ne peut pas y avoir de doute sur la juste répartition de la richesse produite » chez Thales ?
Pour nous, le dialogue social n’est pas rétabli. Il reste figé dans un conflit sur les salaires, que cette PPV ne saurait résoudre. De plus, la direction accentue encore son mépris, en menaçant les salariés grévistes de délocaliser les productions dans des pays à bas niveau social, comme par exemple pour la production du radar Rafale, ou encore de licenciements qui en découleraient !
Comme vous, nous estimons que les NAO doivent être menées avec précision. Elles doivent porter sur du salaire pérenne, seul moyen de reconnaître le travail fourni par les salariés, l’engagement et la montée en compétences liée à l’expérience.
Il est aujourd’hui urgent de renouer avec une politique salariale, sociale et industrielle cohérente, qui place les enjeux stratégiques de la France, l‘avenir du Groupe Thales et celui de ses salariés au cœur de ses priorités. Tout le monde y gagnera. Nous avions compris que c’était aussi votre vision.
Manifestement, les dirigeants de Thales ne prennent pas cette question au sérieux.
Dans l’attente d’un rendez-vous pour pourvoir vous exposer en détail l’ensemble de ces points, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos sentiments les meilleurs.