Le coût du capital représente un concept protéiforme qui s’inscrit dans un régime de régulation économique singulier. Au sens strict, dans un capitalisme d’investissement, le coût du capital productif représente le coût du facteur capital engagé dans le processus de production. Dans un régime capitaliste financiarisé, la notion de coût du capital s’élargit et englobe ce que l’on nomme un surcoût du capital. C’est le résultat d’un processus de financiarisation de l’économie qui implique une modification du rapport de forces dans la gouvernance de l’entreprise en faveur des actionnaires. Cette transformation se caractérise par la recherche unique de la maximisation de la valeur actionnariale.
Cette rente actionnariale se matérialise par des intérêts excessifs versés à la finance, des dividendes exorbitants, des loyers abusifs, etc. La satisfaction de ce désir actionnarial s’est développée d’abord par des vagues de modération salariale, qui sont venues déformer en profondeur le partage de la valeur en faveur des capitalistes, et s’est poursuivie par un désinvestissement du capital productif à travers un phénomène de désindustrialisation sévère.
Pour Thales, en 2022, ce coût du capital a représenté plus de 1,3 Milliard d’euros, avec environ 500 millions de dividendes versés (40% du résultat) et 800 millions d’euros de rachat d’actions pour destruction !
Le coût public du capital : une nouvelle forme supplémentaire de coût du capital
Pour venir satisfaire ce désir actionnarial une pratique s’est fortement développée durant les deux dernières décennies : les aides publiques. En 2009, le montant des subventions directes aux entreprises atteignait le montant de 15 milliards d’euros. Dix ans plus tard, ce montant a plus que doublé et les subventions aux entreprises coûtent à l’Etat plus de 30 milliards d’euros en 2019*. Mais les subventions aux entreprises ne représentent qu’une partie émergée et minoritaire de l’iceberg. Pour saisir l’entièreté des aides aux entreprises, il convient d’avoir une démarche plus englobante, dont nous pouvons distinguer trois types de dépenses :
- Les dépenses fiscales représentent 60 % des aides aux entreprises, soit 1368 milliards d’euros cumulés entre 2005 et 2019. Elles se constituent sous la forme de crédit d’impôt et s’évaluent sous la forme d’une baisse de recette fiscale par rapport à la norme fiscale en vigueur ;
- Les dépenses socio-fiscales représentent 25 % des aides aux entreprises, soit 562 milliards d’euros cumulés entre 2005 et 2019. Ces dépenses s’enregistrent sous la forme d’exonérations de cotisations sociales ;
- Les subventions directes représentent 15 % des aides aux entreprises, soit 329 milliards d’euros cumulés entre 2005 et 2019.
Le montant global des aides publiques aux entreprises entre 2005 et 2019 s’élève à plus de 150 milliards d’euros en moyenne par an. Le plus inquiétant réside dans le fait que cette pratique est portée par une dynamique ascendante. En 2005, les aides aux entreprises s’élevaient à 80 milliards d’euros, alors qu’en 2019 ce montant était supérieur à 200 milliards d’euros. Ces dépenses sont devenues tellement exorbitantes qu’elles sont deux fois supérieures au budget de l’éducation nationale. Ce qui signifie que le gouvernement préfère subventionner l’opulence des plus riches plutôt que d’investir dans l’esprit critique des futurs citoyens.
Les actionnaires de la branche métallurgie ne sont pas en reste dans ce phénomène et y prennent toute leur part. Ils ont notamment été parmi les principaux bénéficiaires du plan de relance ; ce sont plus de 15 milliards d’euros qui ont été destinés directement et indirectement aux entreprises de la métallurgie.
Le coût public du capital n’est pas une notion abstraite sans fondement, c’est une réalité sociale ! Et cette réalité se matérialise par des actionnaires sous perfusion de l’Etat qui accumulent grâce aux souffrances continues qu’ils infligent aux travailleurs.
* Chiffrage Le Clersé
Baptiste Royer, Conseiller économiste à la FTM CGT