La firme de Billancourt a décroché la palme la semaine passée avec la révélation par France Info d’une note des communicants de la direction qui, lors de l’affaire de faux espionnage industriel où trois cadres avaient été mis en cause, ont rédigé des communiqués de presse au cas où l’un des salariés mis en cause et licencié viendrait à commettre « l’imparable ».
Un joli lapsus de la responsable de la communication du groupe qui évidemment pensait à l’irréparable.
Deux communiqués type avaient été préparés, l’un envisageant une tentative de suicide avortée, l’autre envisageant la mort de l’un des cadres.
Emotion de façade, larmes de crocodile, couronnes de fleurs en « plastoque », défausse et regrets, rien ne manque à la prose de « spin doctor » trop cher payés.
Pas même les cases en blanc pour le nom de la victime et la date de son geste « imparable ». Pour sa défense, la direction de Renault invoque sa responsabilité de grande entreprise du Cac 40 tenue de défendre à tout prix sa réputation en cas de communication de crise.
Cette anticipation d’un drame soulève évidemment l’indignation et provoque la nausée.
Mais lorsqu’on lit le contenu de ces messages, l’écœurement est à son comble : « Toute l’entreprise est profondément ébranlée par la gravité de ce geste (…) Depuis le début de cette affaire, Renault a toujours veillé à préserver l’identité de ses cadres, dans le plus strict respect des personnes concernées. Face à ce geste qui nous bouleverse, nous entendons maintenir notre position et ne pas faire de commentaires. C’est bien de la dignité des personnes dont il est question ici. »
Lorsque l’on songe que ces trois cadres ont été livrés en pâture à l’opinion.
Leurs noms, leurs visages ont été divulgués sans aucune précaution.
Accusés d’avoir cherché à nuire aux intérêts économiques de la France, ils auraient pu mettre fin à leurs jours.
Reste que dans cette affaire, on n’est finalement pas surpris.
Lorsque l’Ugict-CGT déclarait il y a quelque temps que ce qui gênait le patronat était moins les suicides que leur médiatisation, elle n’était pas en dessous de la réalité.
On a vu à quels exercices de communication les entreprises sont prêtes pour se défausser de leurs responsabilités en matière de santé au travail.
Si Renault décroche la timbale la semaine passée, d’autres directions d’entreprises et leurs communicants ont dû regarder le bout de leurs chaussures.
Si toutes n’ont pas poussé le cynisme jusqu’à cette anticipation des suicides, beaucoup brillent dans l’exercice de la langue de bois.
Lorsque l’on songe que la responsable de cette belle boulette est devenue depuis le 17 octobre dernier, la chef de cabinet du président du groupe, Carlos Ghosn, on reste songeur…