C’est la deuxième année que le Comité de Groupe France est consulté sur les orientations stratégiques.
Les membres du Comité de Groupe France de Thales se sont prononcés à nouveau le 3 juillet 2018, CONTRE les orientations stratégiques retenues par la direction du Groupe et proposent de sortir de la vision financière de l’entreprise pour remettre en avant un projet industrielle sur le long terme.
Déclaration des membres du Comité de Groupe France:
Comme nous l’avions dit l’année dernière, nous devrions être ici sur une consultation sur la stratégie et ses conséquences permettant d’anticiper la gestion prévisionnelle des ressources humaines, des emplois et des compétences. Force est de constater que ces aspects ne figurent plus dans ce qui nous est présenté.
Toutefois les éléments parcellaires qui nous ont été donnés, nous permettent de constater que l’environnement géopolitique mondial est favorable aux marchés de défense, ce qui permet d’envisager une dynamique de croissance pour les activités défense du Groupe.
Dans ce contexte, Thales est transformé en machine à générer du cash et du résultat : depuis 2012, le chiffre d’affaire par salarié est en hausse de 22%, la marge par salarié de l’ordre de 30% et le ROC par salarié de près de 73%. Dans le même temps le cours de l’action a explosé.
Thales présente son ADN comme comportant les caractéristiques suivantes
- “Joueur pur” dans les systèmes intelligents
- 4 avantages stratégiques forts (R&D, connaissance de ses domaines, transformation numérique et une présence mondiale)
La vision financière de l’entreprise, due à l’exigence de rentabilité des actionnaires, entraine des transformations profondes faisant peser sur cette dernière des risques non négligeables sur le long terme.
Citons, par exemple, la transformation des achats qui vise à apporter une économie de plus d’un milliard d’Euro par an. Cette économie, non démontrée à ce jour, porte un risque potentiel sur nos productions. En parallèle, la stratégie d’implantation géographique ne nous est toujours pas présentée, et particulièrement l’empreinte industrielle. Cette stratégie d’empreinte étant mondiale, de nombreuses sous-traitances sont mises en œuvre dans des pays à bas coûts et bas revenus. La Direction de THALES nous indique déployer la RSE, mais sans nous la restituer, notamment par l’absence de présentation du plan de vigilance.
Citons aussi la gestion des politiques produits, issues de la nouvelle donne technologique et numérique, non déclinées par entités. Pour ce qui est des activités et de leur devenir, le comité de groupe n’a toujours pas de visibilité sur les produits estampillés « dilemme » et les plans d’action correspondants.
Ajoutons de grosses difficultés à sortir les programmes dans les délais, car les développements prennent du retard, en partie par manque de R&D, en partie par manque de ressources.
L’exigence de rentabilité court terme limite aussi grandement l’investissement dans son excellence technologique, la progression du montant de la R&D autofinancée n’est pas à la hauteur des ambitions projetées par le Groupe et fait l’impasse sur les nécessaires développements à maintenir dans nos métiers historiques. En effet, la transformation numérique et les ruptures technologiques, prônées par le Groupe, ne peuvent pas se concevoir uniquement par de la croissance externe mais aussi par des investissements internes importants.
Enfin, le dogmatisme de la Direction du Groupe, en ce qui concerne la politique immobilière, est préoccupant, ayant pour seul objectif de réduire les coûts d’exploitation en dépit des exigences industrielles. Les surfaces disponibles sont insuffisantes pour accueillir l’activité existante, encore moins pour faire face à la croissance.
Le développement du Groupe à l’exportation entraîne une forte hausse d’obligations en termes d’offsets pour lesquelles toutes les sociétés sont mises à contribution, sans que la stratégie d’implantation géographique ne nous ait été présentée. Les retours de terrains montrent un fort risque industriel, à la fois pour nos sous-traitants français et européens et pour la capacité de Thales à délivrer des produits de qualité dans les délais contractuels.
Les orientations stratégiques mises en avant par le PDG du Groupe :
- Devenir premier mondial dans les 5 métiers retenus comme positionnement du Groupe Thales dans la mondialisation
- Privilégier la croissance dite « profitable », et ce, sans tenir compte de l’acquisition de Gemalto
L’objectif principal du PDG de maximiser la valeur financière de Thales, comme rempart assurant l’intégrité du groupe, ne convainc pas quant à la sécurisation des emplois des salariés et la possibilité d’exercer leurs métiers dans la sérénité.
A notre sens, l’axe principal, apte à assurer l’avenir des salariés et répondre aux obligations sociétales que se devrait de porter un Groupe comme Thales, où l’actionnaire étatique est fortement présent, doit s’appuyer sur l’exploitation et l’enrichissement des capacités et du portefeuille technologique du Groupe, ainsi que sur l’enrichissement des compétences et connaissances de l’ensemble de ses salariés, première richesse du Groupe.
Au vu de ces éléments, les membres du Comité de Groupe France de Thales se prononcent de nouveau CONTRE les orientations stratégiques retenues par la direction du Groupe.