A quelques jours de la mobilisation unitaire interprofessionnelle du 19 mars, le patronat a encore donné une bonne raison aux salariés de se mobiliser. Il a réussi à se mettre tous les syndicats à dos lors de la séance de négociation sur les retraites complémentaires qui doivent définir les paramètres (cotisations et pensions) des régimes ARRCO (pour tous les salariés) et AGIRC (pour les cadres).
Il a en effet mis sur la table un document dans lequel il écarte toutes les propositions des syndicats de salariés et où il propose entre autre de relever de 60 à 61 ans l’âge minimal pour toucher une retraite complémentaire à raison d’un trimestre par an de 2011 à 2014. Son représentant, Jean-René Buisson estimant que « la mesure de l’âge est la plus intéressante financièrement ».
Il propose aussi la poursuite de la baisse des droits à retraite et du niveau des pensions et la révision à la baisse des majorations des pensions pour enfants et pensions de réversion. En contrepartie, le Medef accepterait une hausse des cotisations (+ 0,1 point côté patronal).
Et il fait un chantage en conditionnant ces mesures pour reconduire le dispositif qui permet de financer la retraite complémentaire sans pénalité avant 65 ans.
Seule la CGC ne s’est pas montrée farouchement hostile à cet allongement, mais sa représentante a regretté le manque d’effort du patronat pour garantir un niveau satisfaisant de retraite, en particulier pour les cadres. L’ensemble des organisations syndicales a rejeté ce texte.
Devant cette détermination le Medef se trouve dans l’obligation de présenter un nouveau projet de texte pour la suite de la négociation. Mais pour la CGT, « son contenu sera largement conditionné au niveau de la mobilisation des salariés le 19 mars sur l’emploi, les salaires et la protection sociale. » Il n’est en effet pas envisageable de laisser détricoter les garanties de la protection sociale solidaire.
Les reculs successifs imposés par les réformes Balladur-Veil puis Fillon et les accords Agirc-Arrco précédents ont fragilisé la couverture retraite en réduisant les taux de remplacement et en repoussant l’âge de départ. Au point que désormais parmi les actifs 49 % sont prêts à travailler jusqu’à 62 ans, alors qu’ils n’étaient que 42 % en 2008, selon les résultats d’une enquête réalisée par l’Institut CSA pour le Cercle des épargnants publiée mardi.
Mais à bien lire l’enquête, on s’aperçoit qu’il s’agit moins d’une adhésion à cette idée qu’un certain fatalisme. En effet, selon les résultats de l’étude, si la proportion de personnes prêtes à travailler jusqu’à 62 ans s’accroît, si elles avaient le choix, seules 21 % d’entre elles déclarent souhaiter partir à la retraite après 60 ans, 46 % préférant 60 ans, 23 % un âge moins élevé (10 % ne se prononcent pas). L’âge moyen de départ souhaité est de 59 ans et 6 mois.
On reste bel et bien à rebours des intentions patronales puisque Laurence Parisot s’est plusieurs fois prononcée pour son report à 62 ans. Il n’y a aucune raison de nous laisser imposer, au motif de la crise actuelle, des mesures qui tireraient encore les retraites vers le bas et pousseraient les salariés qui le peuvent encore à épargner. D’autres solutions sont envisageables pour équilibrer les régimes comme l’élargissement de l’assiette des cotisations à l’ensemble des revenus et l’augmentation de la part employeur afin de rogner un peu les dividendes des actionnaires pour financer notre modèle social.