Big Bang des retraites dès 2010 ?

A entendre François Fillon pour le gouvernement ou Laurence Parisot pour le Medef, le moment serait enfin venu de régler « une fois pour toutes » le « problème » des retraites et cela au moyen d’une réforme ultime à réaliser dès 2010 et, au plus tard, d’ici 2012. De quoi s’agirait-il ?

Recul de l’âge légal d’ouverture du droit à retraite dans tous les régimes

L’âge légal d’ouverture du droit à retraite pourrait être reculé de 60 ans aujourd’hui à 67 ans à terme (Laurence Parisot réclame qu’il passe à 63 ans et demi dès le 1er janvier 2012 !)

Cette mesure serait rendue indispensable pour remettre à l’équilibre, notamment les régimes de base de sécurité sociale des salariés du secteur privé aujourd’hui d’ores et déjà déficitaires.
Or, l’âge moyen de cessation définitive d’activité est aujourd’hui encore inférieur de près de trois années à l’âge moyen de départ à la retraite. Dans les entreprises, un salarié est déjà considéré comme indésirable, voire inemployable dès qu’il atteint l’âge de 55 ans. Par ailleurs, la crise génère une hausse brutale du chômage, hausse d’autant plus élevée que certaines entreprises n’hésitent pas à profiter de celle-ci pour anticiper des restructurations avec suppressions d’emplois, massives. Dans ces conditions et sauf à payer des chômeurs au lieu de payer des retraites, on ne voit pas en quoi le recul de l’âge légal ouvrant droit à retraite au-delà de 60 ans réglerait quelque problème que ce soit. Sauf bien sûr ! si, et c’est bien là-dessus que comptent le gouvernement comme le Medef, le chômeur n’est plus indemnisé au-delà de l’âge de 60 ans, auquel cas il serait condamné à accepter n’importe quel emploi dans n’importe quelles conditions et à n’importe quel salaire et cela jusqu’à 67 ans à terme, dans un premier temps.

Le remplacement de tous les régimes de base publics-privés existant aujourd’hui par un régime unique par points ou « en comptes notionnels » est à l’ordre du jour

L’objectif de ce remplacement est clairement affiché. Ce régime unique serait à « cotisations définies ». Dans un tel régime, une fois le taux de cotisation sur les salaires fixé, il ne peut plus être question de le modifier, quelles que soient par ailleurs les évolutions au cours du temps du niveau de l’emploi, de celui des salaires, de la natalité et de l’espérance de vie à la retraite. Le montant des ressources apporté au régime par les cotisations qu’il perçoit fixe les limites chaque année du montant des pensions que celui-ci est susceptible de financer. En d’autres termes, le niveau des droits à retraite fluctue au même rythme et dans les mêmes proportions que le niveau des ressources, auquel il doit s’ajuster en permanence.
La seule différence réelle entre le régime par points et le régime « en comptes notionnels » réside dans le mode d’accumulation des droits : dans le premier, cette accumulation se fait sous forme de points comme dans les régimes ARRCO – AGIRC ou IRCANTEC ; dans le second, cette accumulation se fait sous forme de capital « virtuel », « virtuel » puisque le régime fonctionnant en répartition, le montant des cotisations est immédiatement reversé sous forme de pension.
Dans les régimes par points, le montant annuel de la pension à la liquidation s’obtient en multipliant le nombre total de points acquis par le salarié, par la valeur en euros de service du point à la date de la liquidation. L’équilibre est donc obtenu en jouant sur cette valeur de service du point. Dans le régime en comptes notionnels, le montant de la rente annuelle est obtenu en divisant le capital virtuel par l’espérance de vie moyenne du salarié à l’âge où il prend sa retraite. Ce montant est alors le cas échéant affecté d’un coefficient de conversion permettant d’ajuster le montant global des pensions à verser au montant global attendu des cotisations.
Si, par exemple, pour chaque 100 euros de montant de pension calculé,le régime ne dispose que de 70 euros pour le financer, le montant de la pension calculé sera diminué de 30 %.
Or, nos régimes de retraite actuels ont été conçus pour fonctionner en régime à « prestations définies » : le montant des droits à retraite est fixé en proportion du salaire d’activité et le régime s’engage à financer les droits ainsi déterminés, quelles que soient les évolutions de la démographie, de l’emploi et des salaires.
En d’autres termes, dans nos régimes, la règle fondamentale reste d’ajuster en permanence le montant des ressources au montant des droits à retraite à honorer et non l’inverse. En conséquence, compte tenu du besoin de financement actuel de nos régimes de retraite résultant à la fois des évolutions démographiques et de la situation de l’emploi et des salaires, le remplacement de ces régimes par un régime à cotisations définies, que ce régime fonctionne en points ou en comptes notionnels, aboutirait inéluctablement à un effondrement du niveau des pensions à brève échéance, avec les conséquences sociales désastreuses qu’un tel effondrement ne manquerait pas d’avoir.

Développement à grande échelle de l’épargne retraite.

Tant le gouvernement que le Medef se prononcent en choeur aujourd’hui en faveur d’un développement massif et sans précédent de l’épargne retraite, développement qui résulterait de mesures législatives contraignantes tant à l’égard des entreprises (la loi Fillon de 2003 a déjà créé un fond de pension obligatoire pour les fonctionnaires : le RAFP) que des salariés.
Ne pouvant dissimuler plus longtemps l’effondrement du niveau des pensions par répartition que provoquerait leur réforme, le recours à l’épargne retraite serait alors présenté par eux comme le seul recours possible désormais pour se constituer une retraite décente. En occultant, bien sûr ! cette vérité d’évidence : si les salariés et les entreprises avaient de l’argent à mettre dans des systèmes d’épargne retraite au demeurant peu fiables et donc risqués, et beaucoup plus coûteux que la retraite par répartition, pourquoi alors ne pourraient-ils pas mettre cet argent dans des régimes par répartition afin de garantir les droits à retraite auxquels ils aspirent ?
Par ailleurs, si effectivement, l’épargne retraite devait se développer durablement et sur une grande échelle, les retraités actuels risqueraient d’être sacrifiés par les jeunes générations qui pourraient légitimement refuser de payer deux fois, une fois en répartition pour les salariés déjà retraités et une autre fois en capitalisation pour se constituer leurs propres droits à une retraite décente.

Conclusion

On le voit, les projets du gouvernement et du Medef sont tout sauf une réponse aux besoins de la population en matière de retraite. Seule une mobilisation sans précédent du monde du travail, transcendant les clivages syndicaux et politiques, pourra permettre de sauvegarder un système de retraite capable de répondre aux attentes et aux besoins de tous.

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