Du grand bonheur de manager… ou les dégats des injonctions contradictoires.

Et si à force de contrainte, de non reconnaissance, de pressions, de reproches accumulés, le rôle de cadre n’exerçait plus aucun attrait ? La question n’est pas si saugrenue puisque l’association Entreprise & Personnel regroupant des directeurs de ressources humaines se l’est posée. Certes pas dans ces termes, mais elle constate néanmoins dans une note présentée à la presse jeudi que les entreprises sont « pour la première fois de manière aussi visible » confrontées à « des refus catégoriques » de devenir cadres.
« Etre manager est devenu un concept flou, trop complexe et finalement de moins en moins valorisé », ajoute la note, et il y a peu de chances que cela change, « au contraire », car les exigences ne cessent de s’accroître.

Selon la note, les managers font face à de nouvelles demandes, comme celle des jeunes salariés de travailler dans des ambiances sympathiques ou d’avoir un chef à l’écoute, et la nécessité de « faire travailler ensemble des gens de plus en plus différents ». Selon elle, ces non-candidats à la hiérarchie disent : « pourquoi voulez-vous que je m’embête, pourquoi me prendre tous ces soucis alors qu’on ne va pas me donner les moyens de les résoudre, le gain n’est pas suffisant pour mettre en péril ma vie privée ? ».
Et ce phénomène émerge dans des entreprises très traditionnelles, comme l’assurance ou l’automobile « où tout reposait sur un principe de progression vers le management », note cette étude réalisée auprès des 130 entreprises adhérentes parmi lesquelles plusieurs très grandes entreprises cotées au CAC 40.
Faut-il être surpris de ces constats ? Pas vraiment, car cela fait bien longtemps que l’Ugict-CGT dénonce la dégradation des conditions d’exercice des fonctions de cadres, les modes de management qui leur dénient toute intervention citoyenne.
Et que dire de cette allégeance aveugle et muette que l’on attend de tout bon manager. On en a encore eu l’illustration lors du débat sur la Révision générale des politiques publiques organisé au ministère de la Santé la semaine dernière par l’Ugff et l’Ugict-CGT.
Dans ces échanges, les représentants des ministères ne se sont pas privés de défendre un concept flou de « loyauté » aux forts relents d’adhésion pure et simple. L’enquête « Votre travail, comment le voulez-vous ? » menée récemment par notre organisation syndicale ne relevait-elle pas que presque 40 % des personnes interrogées considèrent leur climat de travail plutôt mauvais, voire très mauvais.
Ce qui favorise un bon climat, c’est le travail collectif.
L’individualisation nuit au climat et à la santé. Notre enquête révélait aussi que 74% des ICT affirment ne pas pouvoir réaliser ou pas totalement pouvoir réaliser un travail de qualité.
Or ne pas pouvoir réaliser un travail de qualité quand on aime son travail constitue à l’évidence une contradiction et un facteur de souffrance.
Il est grand temps de revoir les modes de management à l’oeuvre dans les entreprises et la fonction publique.
Ce n’est pas qu’une question de dignité et de citoyenneté, mais aussi de performance éthique, sociale et au final économique.
A force d’entendre le slogan : « Travailler plus pour gagner plus », on en oublierait presque que la revendication première serait de
« Travailler mieux, travailler tous ».

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