Assurance maladie : les mauvais coups de l’été

Pas moins de 24 contre-réformes se sont succédées depuis le plan BARRE en 1976 ! Le plan DOUSTE-BLAZY en 2004 devait ramener les comptes de l’Assurance secuMaladie à l’équilibre en 2007. En fait, le déficit a été de 8 milliards d’euros en 2005, 6 milliards en 2006 et 7 milliards en 2007. Il serait de 4,1 milliards cette année. Il convient de se rappeler que ces déficits qui ne sont pas abyssaux (4 % du budget de la Sécu) sont principalement dû à des données structurelles qui nécessitent une réforme du financement de la Sécu et de la protection sociale en général. Ils sont accentués par le fait qu’une part notable des ressources qui devraient lui être affectées, est détournée ; penser notamment aux 5 milliards non compensés d’exonérations sociales, à toutes les niches fiscales, il y en a 486 de recensées qui représentent près de 73 milliards d’euros et privent de ressources notre système de solidarité.

Cependant, il faut aussi se dire que même si l’assurance maladie était équilibrée, aujourd’hui, cela ne règlerait pas le problème de l’accès aux soins car l’écart grandit entre les remboursements du régime obligatoire et le coût réel des soins supportés par les ménages et les personnes malades. C’est même le grand écart. Il suffit de se référer à l’explosion des dépassements tarifaires. Savez-vous, mais certainement parce que nous en souffrons tous, qu’ils se sont accrus en moyenne de 3,4 % par an entre 2004 – 2006, après une hausse de 9,5 % par an entre 2000 et 2004.

Savez-vous qu’ils représentent plus de 2 milliards d’euros sur les 18 milliards d’honoraires perçus par les médecins…

Et rien n’est fait pour moraliser des pratiques absolument inacceptables qui participent à exclure des soins un nombre de plus en plus important de citoyens. C’est vrai des honoraires médicaux, mais en matière de remboursement optique, dentaire, c’est la même dérive qui installe l’inégalité sanitaire et sociale. 5 millions de personnes n’ayant pas de couverture complémentaire sont contraintes de renoncer à des soins pourtant indispensables.

Enfin un constat s’impose aussi, c’est que les mutuelles et les autres complémentaires sont utilisées comme variable d’ajustement, accompagnant les désengagements du régime obligatoire, et participant ainsi à son affaiblissement, ce qui n’est pas pour déplaire, vous vous en doutez bien, aux assureurs lucratifs (entre 2004 et 2006, la mutualité estime le transfert à 1,6 milliards d’euros).

Toutes les mesures mises en oeuvre, au fil des plans sensés résorber le déficit de l’assurance maladie, n’ont eu en vérité pour seul effet que de faire payer davantage les assurés sociaux, les malades, par les transferts de charges, par les franchises, et tous les dispositifs qui y ressemblent et qui accentuent le décalage entre le coût réel de la santé et les remboursements de l’assurance maladie.

Le 18 septembre 2007, SARKOZY dans une allocation à l’occasion du 40e Anniversaire de l’Association des Journalistes de l’Information Sociale s’attaquait notamment aux ALD (Affections de Longue Durée). Il indiquait : « qu’il n’est pas normal que les dépenses consacrées aux ALD dérapent chaque année de manière incontrôlée et il souhaitait que nous concentrions nos efforts sur la prise en charge de ce qui est essentiel, à partir des travaux de la Haute autorité de santé ».

En juin 2008, Frédéric VAN ROEKEGHEM, Directeur de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, en fidèle lieutenant de SARKOZY, proposait au Conseil d’Administration de la CNAM de ne plus rembourser à 100 % mais à 35 % les médicaments à vignette bleue prescrits pour les ALD. A noter, que pour la Haute autorité de santé, les médicaments à vignette bleue sont considérés à Service Médical Rendu Insuffisant

Le pauvre, il n’imaginait pas, certes, devant la réprobation générale des assurés sociaux et des partenaires sociaux, que la traduction dans un projet de Loi « d’un souhait » de SARKOZY allait lui valoir d’être sévèrement réprimandé par la ministre de la Santé Roselyne BACHELOT. Le 26 juin, le Conseil de la CNAM a voté, à l’unanimité, un texte demandant que les propositions du Directeur de la CNAM, relatives aux ALD, soient retirées du projet.

Le 3 juillet, un plan d’économies pour 2009 a été adopté par le Conseil de la CNAM avec l’accord de la CFDT et de la CGC, l’abstention du MEDEF et CFTC, et les votes contres de la CGT et FO. Ce plan vise notamment à développer la prévention, à infléchir la consommation des prestations « dont la justification médicale est discutable » ou à modifier les prix dans des secteurs où les tarifs apparaissent comme trop coûteux.

Le rendement de cette série de mesures, chiffré par la CNAM à 2,8 milliards d’euros, a été jugé insuffisant par le Gouvernement qui l’estime à environ 2 milliards d’économies.

De ce fait, au cours du mois de juillet, Roselyne BACHELOT, ministre de la Santé, et Eric WOERTH, ministre du Budget, ont organisé une série de concertations sur l’avenir de l’Assurance maladie avec les partenaires sociaux et les représentants des organismes complémentaires.

Dans cette concertation, la CGT a renouvelé avec force ses propositions pour une réforme de fond du financement de la Sécurité Sociale avec l’élargissement de l’assiette des cotisations patronales à l’ensemble des richesses créées par les salariés et une modulation de la cotisation des employeurs pour inciter les entreprises à investir dans l’emploi et les salaires, avec, également, une contribution sociale sur les revenus financiers des entreprises.

Concertation n’est pas négociation, dans la logique gouvernementale. C’est : ‘je vous écoute, on dialogue, je menace et je décide.’ Dans les menaces, il y avait la hausse du ticket modérateur. Le 28 juillet, les deux ministres ont décidés un plan de redressement de l’assurance maladie afin de renouer avec l’équilibre d’ici 2011. Celui-ci intègre les mesures d’économies préconisées par la branche maladie, auquel s’ajoute des recettes nouvelles pour 1,6 milliards d’euros.

 instauration d’un prélèvement social sur les sommes distribuées par les entreprises dans le cadre de l’intéressement et de la participation devant rapporter 300 millions d’euros.

 reversement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de 300 millions d’euros à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

 taxe sur le chiffre d’affaires des organismes complémentaire santé (mutuelles, assurances, et institutions de prévoyance). Cette taxe, dont le taux n’est pas encore défini, devrait rapporter un milliard d’euros. En contrepartie, les organismes complémentaires seront associés plus étroitement à la gestion du risque santé, notamment aux négociations conventionnelles avec les médecins. Ils seront également associés aux actions visant à mieux encadrer les dépassements d’honoraires, et joueront un rôle plus important dans l’accompagnement des patients atteints de maladies chroniques.

Cette décision de taxation avait été savamment orchestrée par une campagne éhontée sur les prétendues richesses des Mutuelles faisant l’amalgame avec les Compagnies d’Assurances qui, elles, sont à but lucratif et rémunèrent des actionnaires. Ce que SARKOZI et BACHELOT appellent des richesses sont, en fait, des réserves imposées dans le cadre des Directives Européennes transcrites en droit français. L’Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles (ACAM) interprète ces directives à l’extrême et toute Mutuelle qui ne respecterait pas ces exigences se verrait mise en liquidation judiciaire. Il est à noter que les Mutuelles vont tout faire, compte-tenu des énormes problèmes de pouvoir d’achat d’une majorité de la population, pour ne pas répercuter cette taxe (de l’ordre de 3,5 %) sur le prix des cotisations en 2009. Les Assureurs, rémunération des actionnaires oblige, ont déjà annoncé qu’elle sera répercutée sur les cotisations. Les Institutions de Prévoyance, qui sont à but non lucratif, viennent de prendre la décision de répercuter la taxe sur les cotisations, alors qu’elles ont des réserves 5 fois supérieures au minimum légal.

Il est vrai que le MEDEF, qui représente à lui seul 50 % des administrateurs des Institutions de Prévoyance, ne se souci pas des problèmes de pouvoir d’achat des salariés qui découlent de la politique salariale des entreprises. L’ensemble de ces mesures trouvera sa traduction législative dans le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale 2009 et devrait être prése

nté en Conseil des Ministres le 29 septembre prochain.

En parallèle, un projet de loi : « Santé, Patients, Territoires » sera présenté mioctobre. Ce projet a l’ambition de réorganiser notre système de soins en appliquant quelques principes qui ne peuvent qu’inquiéter : économies drastiques de moyens humains et financiers, centralisation de la gouvernance du système de soins dans les mains des représentants de l’Etat, réduction du nombre d’établissements hospitaliers, intervention dirigiste sur la définition des grands projets de recherches biologique et médicale, etc…

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